Menaces
Sécheresse et chaleur, une menace pour notre environnement ?
La moyenne des cumuls annuels des précipitations, relevé à la station météorologique de Pontoise, sur ces dix dernières années (600mm) montre une légère baisse de 38 mm par rapport à la normale calculée entre 1981 et 2010 (638mm). Si globalement les nappes phréatiques sont rechargées par les pluies automnales et hivernales, le manque de pluie se fait surtout sentir en été, voire au printemps comme cette année créant une sécheresse superficielle. Ces trois dernières années, des périodes de canicule sont venues aggraver cette sécheresse. Sur les huit premiers mois de 2020, nous accusions un déficit pluviométrique de 43% par rapport à la normale. Ce n’est pas sans conséquence sur la faune et la flore.
La plante et l’eau
L’eau et les éléments minéraux puisés dans le sol grâce au réseau racinaire des plantes constitue la sève brute. Elle est conduite jusqu’aux feuilles via des canaux constituant un tissu appelé xylème. Cette montée de sève s’effectue via trois phénomènes distincts : poussée racinaire, capillarité et majoritairement par la transpiration des feuilles. Ces dernières possèdent en leur surface des stomates ou pores par lesquels l’eau s’évapore créant une dépression et activant la montée de la sève. On considère que 90% de l’eau absorbée est rejetée dans l’atmosphère. A titre d’exemple, une forêt de nos régions consomme 30t d’eau par ha et par jour. Soit l’équivalent d’une hauteur d’eau de 3 mm par ha, soit environ 600 mm de pluie par ha et par an. Habituellement il pleut suivant les régions de 500 à 1500 mm par an sur la France. (*)
(*) Source, Marc-André Selosse Professeur du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris
Les fortes chaleurs accentuent l’évapo-transpiration (évaporation du sol associée à celle des plantes) qui peut, comme dans le cas de 2020 se combiner à un manque d’eau superficiel entraînant le dessèchement des feuilles.
Des adaptations ont lieu pour contrer ce phénomène et permettre aux plantes de survivre comme l’arrêt de la croissance des feuilles, le dessèchement et perte des feuilles pour limiter la perte hydrique
Le sol et l’eau
Une faible partie de l’eau atteignant la terre est disponible aux plantes. Une grande partie va ruisseler par gravité, une autre de faible volume va être adsorbée sur les particules de terre et, seule, l’eau dite de rétention va être assimilable par les plantes. Elle est principalement contenue par capillarité entre les grains. Le pouvoir de rétention d’un sol va dépendre de sa granulométrie et sa perméabilité.
La qualité d’un sol va dépendre de sa structure minérale et de la matière organique qu’il contient.
La matière organique du sol de nos forêts ou des zones humides peut retenir jusqu’à 90% de son poids en eau. Elle agît comme une éponge et restitue lentement l’eau aux plantes et aux rivières. C’est ainsi qu’une couverture végétale en continu maintient humus et humidité plus facilement que des champs cultivés intensément et nus après récolte ou encore des coupes rases en forêts.
La nature du sol est importante. Le sol sablonneux favorise le ruissellement et est peu rétentif. A contrario, le sol argileux est plus rétentif mais se compacte en cas de sécheresse créant des fissures.
2020, une année particulièrement sèche ?
La station météorologique de Pontoise enregistre un déficit pluviométrique de -43% à la fin août (par rapport à la « normale », pluviométrie moyenne calculée entre 1981 et 2010). Si les pluies de février et de mars ont rechargé les nappes phréatiques, les pluies tombées à partir d’avril ont été absorbées par la végétation alors en pleine croissance. Le manque de précipitations à partir d’avril a donc entrainé une « sécheresse superficielle ».
A un contexte de sécheresses estivales répétées depuis 2015 et accentuées depuis 2018 s’ajoutent des épisodes de canicule de plus en plus fréquents. Ce mois de juillet a été le plus sec depuis 1959 et le plus chaud de l’histoire depuis que les températures sont relevées.
La végétation et la faune ont souffert d’autant plus qu’à la sécheresse printanière et estivale, les vents ont asséché le peu de pluie tombée.
Déficit de précipitations sur les huit premiers mois à la station météorologique de Pontoise. Précipitations normales par an : 638,3mm (moyenne calculée entre 1981 et 2010). Source infoclimat.fr
L’année 2020 s’annonce comme une des dix années les plus chaudes.
Les conséquences sur la faune :
Les conséquences sur la faune sont moins visibles que sur la végétation mais sont pourtant existantes. En premier lieu, la sécheresse a déshydraté les végétaux, desséché la terre sur plusieurs dizaines de cm et fait disparaitre de nombreux points d’eau. Privés de nourriture, les vers de terre, les gastéropodes (limace, escargot) et les insectes, base d’alimentation de nombreux animaux, ont partiellement disparu de notre environnement. Il y a eu aussi moins de fleurs à polliniser pour les bourdons, les abeilles et autres pollinisateurs. Privés de proies, les passereaux, les chauves-souris, les hérissons et les amphibiens ont été les premiers impactés. Les baies consommées par les oiseaux migrateurs pour emmagasiner des réserves avant leur grand voyage vers l’Afrique, comme les mûres par exemple, sont rares cette année. Aux périodes des plus fortes chaleurs, l’avifaune a déserté nos parcs et nos jardins, certains d’entre eux se sont déplacés vers des lieux plus accueillants, voire ont migré plus tôt.
On pouvait espérer que la baisse de circulation routière due au confinement soit bénéfique à la reproduction des amphibiens. Malheureusement l’assèchement des mares et les fortes chaleurs ont fait disparaitre leurs proies et leurs abris frais et humides où ils passent la journée en attendant les nuits plus fraiches.
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Mare de la Rosière, espace de biodiversité à la Rosière
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Mare forestière en forêt de l'Isle-Adam
Les conséquences sur les milieux aquatiques :
En temps normal, le vent et le soleil peut faire baisser le niveau d’eau des mares et des étangs d’un cm par jour. La canicule accélère ce processus. Le manque de pluie alors ne permet pas de combler l’évaporation. Ainsi cette année, la mare du Débuché et l’étang des trois sources à l'Isle-Adam ont perdu plus d’un mètre par rapport à leur niveau du début du printemps. Couplée aux fortes chaleurs, la baisse du niveau d’eau entraine un réchauffement de celle-ci.
Ce déséquilibre peut, soit provoquer l’assèchement du milieu, soit favoriser le développement d’algues pouvant entrainer une anoxie voire une eutrophisation de l’eau, ou même favoriser le développement de bactéries comme celle provoquant le botulisme provoquant la mort de palmipèdes.
La faune et la flore de ces milieux aquatiques peuvent être fortement impactées par ces sécheresses à répétition.
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Etang des trois sources
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Mare du Débuché
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Prolifération de lentilles d'eau
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Prolifération de plantes aquatiques
Les conséquences sur la végétation :
Les plus visibles, les plantes et les feuilles sont « grillées » et les arbres défoliés. Les plantes dépendent de leur système racinaire pour puiser l’eau, plus il est développé en profondeur, plus la plante pourra résister à la sécheresse. L’arbre limite l’évaporation par fermeture des stomates ainsi que la croissance des feuilles. Sur un temps long couplé à des températures élevées ces dernières deviennent sèches et tombent. Lorsque la sécheresse se prolonge, des bulles d’air peuvent apparaître dans la colonne d’eau créant une embolie vasculaire conduisant à la mort de la feuille, de la branche, voire de l’arbre.
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Arbuste aux feuilles grillées, la Rosière à l'Isle-Adam
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Bouleaux défoliés
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Arbres morts en forêt de l'Isle-Adam
Les prairies :
Les pelouses et les fleurs de nos jardins ou l’herbe des prairies se sont desséchées. Beaucoup de végétaux n’ont pu accomplir leur cycle annuel. Pour les herbivores, ces prairies ont perdu de leur valeur nutritive. Cela fait trois années consécutives que le phénomène se produit. La repousse d’herbe dans les prairies, sur sol pauvre, a été souvent trop faible pour permettre dans certains endroits l’alimentation du bétail. Dans les campagnes, les éleveurs ont entamé depuis début août les stocks de nourriture hivernale. Les cultures aussi ont soufferts, les gourmandes en eau comme le maïs ont été partiellement sauvés à grand renfort d’arrosages
Prairie de la Rosière sur sol argileux à l'espace de biodiversité de l'Isle-Adam.
Les arbres et les forêts :
L’arbre en lui-même est un écosystème. Sa mort prématurée a des effets en cascade sur la faune et la flore qui lui sont inféodées, comme la production et la qualité des graines qui perturbent le renouvellement naturel et privent de nourriture de nombreux animaux.
Des arbustes dans les haies, les massifs ou en lisière de forêts ont vu leurs feuilles grillées et certains sont morts.
En novembre 2019, les premières plantations ont eu lieu sur la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, 1/3 d'entre-elles n’ont pas supporté cet épisode. En quelques jours, les jeunes plants sont morts. En forêt de l’Isle-Adam, 10 à 15% des arbres ont dépéri principalement dans les parcelles situées au-dessus des carrières. Les arbres en pleine force de l’âge ont perdu leurs feuilles les plus hautes créant des trouées dans la canopée. Les rayons du soleil peuvent ainsi atteindre le sol et accélérer le phénomène de dessèchement. Les jeunes arbres qui reçoivent directement ces rayons sont brulés. Pendant ces périodes, la croissance annuelle des arbres s’arrête prématurément, ils consomment moins de CO² et les forêts jouent moins leur rôle de puits de carbone. La production de bois s’en trouve diminuée.
Les arbres affaiblis par les sécheresses successives sont attaqués par les ravageurs dont les scolytes sur les conifères. Ces insectes, qui se développent sous les écorces, entravent la circulation de la sève et entraînent la mort du résineux en quelques semaines. Exemple, la parcelle 2 près de l’étang des trois sources, les robiniers qui bordaient la plantation homogène de conifères ont été coupés pendant l’hiver 2017/2018 mettant les résineux directement sous les rayons du soleil. Les trois années de sécheresse, le plein soleil sur le sol ont affaibli les arbres. Les scolytes ont fait le reste. Ces arbres meurent les uns après les autres.
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Arbres morts en forêt de l'Isle-Adam
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Chêne défolié
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Jeunes chênes aux feuilles grillées
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Crevasse en forêt de l'Isle-Adam
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Dépérissement conifères parcelle 2 en forêt IA
Nous n’avons que peu d’influence sur le changement climatique à court terme mais le changement de pratiques agricoles et sylvicoles permettraient de mieux protéger faune et végétation.
Les effets du changement climatique semblent se manifester plutôt que prévu pour nos forêts. En encadré
D’après les travaux de Clémentine Ols, chercheuse à l’Institut national de l’information géographique et forestière : « les plantations avec une structure un peu plus hétérogène s’en sortent mieux que celles où tous les arbres ont le même diamètre… Les peuplements plus diversifiés en termes de structures et d’essences sont donc une piste intéressante pour mettre en place une sylviculture plus résiliente aux changements climatiques. Si l’on veut des systèmes qui durent, il faut changer de paradigme sylvicole et arrêter les plantations monospécifiques. »
Multiplier les essences est une piste, avoir des couverts végétaux qui fournissent maintenant une humidité relative et une ombre bienfaitrice en est une autre.
Le printemps 2021 permettra d’avoir un réel retour sur les dégâts causés par le climat de 2020.Une bonne nouvelle, les glands et châtaignes sont là pour nourrir une partie de la faune.
Plus d’info sur les sites suivants :
https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/ete-2020-en-france-chaud-et-sec
https://www.infoclimat.fr/climatologie/annee/2020/pontoise/valeurs/07053.html?graphiques
http://www.meteo-express.com/climat-paris.html
http://www.meteociel.fr/obs/clim/normales_records.php?code=95078001
https://www.caue44.com/?portfolio=fiches-arbres